Le jour où l'on devient pilote

Je l'avais tant imaginé, tant attendu, appréhendé un peu aussi, ce vol qui fera de moi-bipède terrestre- une fille dotée du «sens de l’air», ce vol où je vais devenir pilote, sans doute l’une des plus belles choses que l’on puisse souhaiter apprendre dans sa vie !

 
Flash back :


Il y a presque  3 ans, au festival de Dijon, je visionne le film « Coast to Coast » du Suisse Olivier Aubert et son ami Sudafricain Mike Blyth (
www.trike-expeditions.com) : c'est l
a révélation !


L'envie de passer le brevet d’ULM pendulaire fait tranquillement son chemin dans ma tête.


Avril 2008, ma décision est prise : je veux voler !

Pour ce genre de plan, on commence à s’organiser, à programmer son emploi du temps en fonction, à consacrer régulièrement du temps à cette nouvelle activité pour atteindre l'objectif.


L’excitation et l’enthousiasme viennent de pair avec la régularité, la persistance, la motivation de tous les jours de voir avancer son projet dans la sérénité.


A ce stade on comprend aussi pourquoi c’est utile d’avoir un corps sain, un esprit ouvert, de se bouger un peu, d'essayer de bien manger, de bien dormir, de bien gérer mon emploi du temps et de dire non à ce qui me détourne de ses objectifs, de composer avec ses amis, sa famille, son environnement, ses obligations pour rester équilibrée. (Parce que quand on a un but qui nous motive il peut facilement devenir une obsession, j’en sais quelque chose).


Aujourd'hui, lorsqu'il m'arrive de parler de mon passe-temps aéronautique autour de moi, dans le regard de certains je perçois parfois une lueur d’envie...


Bien sûr, les discussions portent très rapidement sur les obstacles financiers, la complexité et la dangerosité du pilotage. Bref, dans la tête de beaucoup de gens, voler se n'est pas possible et surtout ce n'est pas raisonnable.

Pourtant, peu à peu, j’ai pu découvrir que la pratique de l’aviation m’apportait beaucoup plus que le seul plaisir de voler : patience, satisfaction d’apprendre et de relever un défi, humilité de la remise en question et de la progression, rigueur de la préparation, sagesse des décisions de sécurité, responsabilité, plaisir de partager une expérience, bonheur d’écouter les histoires de pilotes expérimentés, nouvelles rencontres etc.


Le premier vol en solo, c’est le plus beau de tous les examens, celui dont on se souviendra toute sa vie.

Ce soir, après 4 tours de piste, Michel m'a posé LA question. "Alors, qu'est-ce qu'on fait ? Tu te sens prête ?
J'ai confirmé. Afin de compenser la différence de poids, il fixe sur le siège arrière la gueuze, d'une quarantaine de kilos et remplit les 2 réservoirs d'essence à fond puis procède à quelques essais radio.
A partir de ce moment c'est parti, je m'installe aux commandes, prévol en bout de piste.

Vision inhabituelle de Michel à quelques mètres devant moi sur le terrain radio à la main. Dernières recommandations dans le casque et  son feu vert "Vas y, quand tu veux !".

Gaz à fond, la roue avant décolle rapidement du sol, je sens la barre revenir, les roues arrières décollent à leur tour. Je prend de la vitesse bien à plat, tout se passe bien. Je prends de l’altitude mais pas avec une forte incidence.
"beau décollage" me dit Michel en bas. 
450 ft déjà... tranquillement, je soulage le moteur. Je surveille l’altitude, la vitesse, je vais être attentive à garder mon palier pour ne pas avoir a retoucher trop de choses en finale.

"Alors c'est comment là-haut ?" me lançe avec malice la silhouette au sol à laquelle je réponds "C'est pas mal..."

Michel me propose de voler un peu dans les environs, et me dit qu'il me reprendra à la radio dans 5 mn. Je fais quelques virages, l'aile répond docilement, j’ai confiance. Les habitudes sont acquises, les gestes presque automatiques. On se laisse aller au plaisir : quel bonheur de voler seule  !!
Je prends à peine le temps de savourer le paysage de cette journée bénie que j'entends déjà mon instructeur qui me dit : "Nadine, tu me reçois ? tu me fais, comme on a dit, un passage à  600 ft au dessus de la piste, puis un tour de piste normal et tu viens te poser".

Moi qui pensais que je serais partagée entre plaisir et peur, en fait, pas le temps de se poser de questions, ni même de jubiler, concentration sur les paramètres,  et application des automatismes appris. Avec toutefois cette sensation de bonheur intense de se savoir seule en haut pour la première fois et ça, c’est vraiment fabuleux !!!.

Je prends donc mes repères de tour de piste. Je m’applique et contrôle soigneusement mes instruments.  Dans la radio, j'entends que  "les rats musqués"  reviennent de balade et signalent leur approchent. Michel leur répond "Les rats musqués, je suis en train de lâcher Nadine... ça se passe bien, merci de libérer la fréquence". La radio se tait, et je pense déjà à l’atterrissage qui se profile. Ben oui, voler c’est super mais faut bien se poser un jour comme on me l’avait bien dit dans le livre du parfait pilote ;o)

Donc j'attaque l'étape de base, dernier virage, un nouveau coup d’œil sur mes instruments et la radio me souffle  "c'est bon, tu es assez haute". La descente, la vitesse : bonne, je commence l'arrondi.... tiens, la barre est plus lourde que d'habitude, allez, il  faut terminer le mouvement,  on doit piloter jusqu'au bout !  et sans me faire peur je fais mon premier atterrissage seule à bord. Ce n’est pas un kiss landing mais c'est satisfaisant.


J'attends les consignes et surtout le commentaire qui arrive : "Félicitations Nadine, bienvenue dans la grande famille des pilotes". 
Ne pouvant m'arrêter déjà... je demande :
"Je peux refaire un tour ?"
"Tu fais ce que tu veux maintenant, c'est toi le pilote".
J’ai un petit sourire de satisfaction. J’aimerais pouvoir décrire toutes les émotions que je ressens à ce moment là mais c’est impossible.

Je me repositionne bien dans le siège, concentration, je regarde bien en face et je repars. J’entame  sagement un second tour de piste.
"Un autre ulm vient de décoller, alors allonge un peu pour ne pas être dans son sillage" me souffle Michel. Nouvelle approche et pour la seconde fois Falco pose ses roues arrières sur la piste. Je referme l'incidence de l’aile  en y allant en douceur sur les freins pour cette fois me diriger tranquillement jusqu’au hangar. J’ouvre ma visière pour prendre un bol d’air frais, un sourire jusqu’aux oreilles. 

Mon instructeur me rejoint, lui aussi affiche un large sourire et m'annonce "Félicitations ! Je suis content. Très beau lâcher, ça fait longtemps que je n'ai pas lâché une fille en plus... il y en a trop peu".
Si ça, ce n'est pas un compliment ! Je suis  comblée même si au fond de moi comme je lui dis, je sais que ça n'a pas changé grand chose, que je ne suis pas meilleure qu'avant...


Ce qui va changer, c'est que maintenant, je vais pouvoir enfin voler seule, accumuler les heures pour passer ma qualification d'emport passager, penser à tous ces vols qui m’attendent... Au fond, je vais sûrement me sentir bien seule pendant un certain temps ;o)

Coup de fil à Patrick, textos aux copains pour annoncer que le champagne va couler ...... et il a coulé, déjà le soir même car Mimi fêtait son anniversaire « alors ça y est c’est fait ? ! » me lance-t-il dans un sourire avant de m'entraîner vers une table où nous attendent tous les amis du club.


Après tout cela dans la tête... et bien, on est fière, contente, on ressent cette joie immense d'un travail accompli et bien fait  qu'on aimerait partager avec tout le monde./


Michel Pernot, mon 1er instructeur qui m’a initié aux plaisirs de l’ulm,


Michel Flandin que je remercie au passage pour sa patience, sa gentillesse et sa compétence,


Tous mes amis pilotes, et tous les passionnés par l’univers de l’ulm avec qui j’ai plaisir à partager les expériences au sol (et désormais bientôt en vol) et/


Les lecteurs de mon blog.et  tous ceux qui m’ont encouragé de leurs messages pendant toute ma formation,


sans oublier Patrick, mon compagnon qui a su me soutenir comme toujours dans la poursuite de mes rêves.

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